mercredi 31 octobre 2007

Design contre Design

Le mot « design » est en crise. Chacun y voit ce qu’il veut et ce mot longtemps interdit dans le langage institutionnel en France est devenu synonyme de tendance. L'exposition du Grand palais est là pour lui redonner son sens originel. Design contre design confronte des objets et des meubles de l’environnement domestique de la révolution industrielle à nos jours. Au lieu d'une chronologie complexe et sans réel sens, elle met les objets en parallèle autour de quatre thèmes (formes, styles, environnement et architecture) et trois oeuvres majeures (L'Iceberg, The Womb House et Phantasy Landscape).

L'Iceberg, De Zaha Hadid, 2003



The Whomb House, Van Lieshout, 2004



Phantazy Landscape, Verner Panton, 1970

"La Forme :

Les formes ne sont bonnes qu’en apparence. Il ne faut pas s’y fier. Elles sont souvent le fruit d’un mouvement, d’une construction, et elles peuvent aussi prendre le large, s’avachir, s’évanouir. De la forme à l’informe, la vie des formes est profuse, indéfinie. Des images naissent à leur vue, des sentiments s’ébauchent, des suggestions s’imposent. Les formes ne sont mortes que pour les yeux atones. Elles ne demandent qu’à parler, encore faut-il savoir les écouter. Les formes ne sont bonnes qu’en apparence. Il ne faut pas s’y fier. Elles sont souvent le fruit d’un mouvement, d’une construction, et elles peuvent aussi prendre le large, s’avachir, s’évanouir. De la forme à l’informe, la vie des formes est profuse, indéfinie. Des images naissent à leur vue, des sentiments s’ébauchent, des suggestions s’imposent. Les formes ne sont mortes que pour les yeux atones. Elles ne demandent qu’à parler, encore faut-il savoir les écouter. "

Styles :

Temps de respirations, les deux rotondes qui servent d’articulation aux galeries évoquent la persistance des styles occidentaux ou exotiques autour de quelques pièces phares comme le bureau Cinderella Jeroen Verhoeven, le radiateur en rinceaux de béton de Joris Laarman ou le canapé éclaté de Robert Stadler.
La table rase des modernes croyait avoir « définitivement » éliminé les styles, mais ils sont revenus, cités, déformés, tournés en dérision, comme de vieux souvenirs qui nous sont chers… malgré tout. Quand l’ornement de béton vient cacher les tubes modernistes, c’est un double pied de nez à l’orthodoxie du lisse et du lisible. Quand la résine, remplaçant les vieilles matières, garde la forme, les fantômes familiers reprennent chair. L’ordinateur réduit aujourd’hui les querelles théoriques à peu de chose. Les styles, les genres, les images de toute sorte sont digérés par le computer pour générer de toujours nouvelles inventions.

Sources :

Quand le bon goût blanc et noir, beige ou grège, perdure, quand le raffinement s’exténue, un besoin pressant se fait jour d’excès, de violence et de bigarrures. Les arts primitifs, sauvages ou ethniques, viennent au secours des créateurs fatigués. L’homme civilisé retourne à sa hutte, se tatoue, s’entoure de peaux de bêtes et boit dans des cornes évidées comme son hypothétique ancêtre des cavernes. Au xixe siècle, chaque pays d’Europe revient à ses barbares, celtiques, wisigoths ou mérovingiens,puis c’est l’Afrique qui donne le ton dans les années 1920, avant que de nouveaux « bons sauvages » ne s’imposent dans les années 1980.

L'environnement :

Un siège a, comme nous, une assise, des pieds, des bras, un dos, et même parfois des oreilles. « Dès qu’on a le dos tourné… », nous conte Philippe Ramette. Tout est bon pour le designer, les formes humaines mais aussi animales qui les transforment en animaux domestiques. Pour agrémenter notre zoo, les plantes donnent aux objets leurs racines, leurs tiges, leurs troncs, leurs feuilles ou leurs fleurs. Les pierres elles-mêmes s’invitent à la maison pour éclairer les moquettes à l’herbe drue ou les tapis de mousse. Ultime métaphore organique, la matrice donne sa forme à une chambre, permettant à chacun de surmonter le célèbre « traumatisme » de la naissance et de revenir dans le meilleur abri, le ventre maternel."

On sent à travers ces textes (sur les murs de l'exposition), l'amusement des commissaires de l'exposition. Le design est un jeu... laissons parler les images :


Mes coups de coeur :

Ingo Maurer et ses luminaires extraodinaires. Son site ici.

Tord Boontje et sa lampe Icarus. Informations ici.



C'est où ?
Grand Palais
C'est quand ?
jusqu'au 7 janvier 2008
Tous les jours sauf les mardis.
De 10h à 20h, les mercredis et vendredis jusqu'à 22h
A partir du 10 novembre, nocturne supplémentaire
les samedis et dimanches jusqu'à 22h
tarifs
Plein tarif : 10€
Tarif réduit : 8€
Pour en savoir plus, le site de l'exposition.

jeudi 11 octobre 2007

Fetish, David Lynch & Christian Louboutin



Dans la jolie galerie Vero Dodat, passage couvert du 2e arrondissement, se trouve la Galerie du Passage, qui accueille dans son cadre feutré l'exposition Fetish jusqu'au 3 novembre.

L'ambiance est feutrée. Les meubles anciens de la galerie se mêlent aux photos de David Lynch; photos des chaussures cruelles de Christian Louboutin, elles même exposées. Cruelles car improbables, importables... elles tranchent de netteté avec les corps flous de celles qui les portent et créent le désir, le fantasme...

Personne n'en parle mieux que Louboutin lui même :

« David Lynch m'avait demandé de dessiner des souliers pour son exposition à la Fondation Cartier. Il peignit certains d'entre eux pour les montrer dans une cage. A mon tour, j'ai voulu lui demander d'en photographier d'autres, que j'aurai conçus dans ce but. David Lynch est l'un des plus grands réalisateurs vivants. Comme ses films sont extrêmement codés, j'ai voulu des souliers fétichistes, dont le fantasme obéit lui aussi à des codes.Beaucoup ne voient le soulier qu'en accessoire de la marche. Pourtant, il est des souliers pour courir, d'autres pour nager… Et aussi des souliers destinés au sexe. S'il est un élément de fétichisme dans la garde-robe, c'est le soulier féminin, même sans talons. Il a l'allure d'un totem. C'est un objet de culte qui appelle le rituel. J'avais prévu des souliers-sculptures, moins faits pour être portés que pour exalter ce qu'il y a de plus beau: la cambrure et le cou de pied.David Lynch m'a aussitôt donné son accord. Il voyait un sofa, de grandes roses, une lampe et une fille. Il voyait ce que je ne voyais pas. Il avait déjà l'image en tête.Les photos ont été prises en deux jours à Paris. A ma surprise, David a travaillé comme un chorégraphe. Toujours en mouvement rapide, il prenait une vue générale, puis un plan plus rapproché qu'il resserrait jusqu'à des détails. Il avait l'enthousiasme d'un étudiant des Beaux-Arts, et la puissance religieuse d'un Pollock ou d'un Picasso. Ses images sont douées d'une dimension picturale: elles m'évoquent Bellmer et Bacon, mais aussi Boldini, dans le rendu des chairs. Les bougés et les surimpressions sont courants dans ses films, mais il y a là des cambrures qui semblent exploser en flammes. A aucun moment, pourtant, les souliers n'ont quitté le centre de son attention.David avait une exigence : « No bones ». Les modèles s'appellent Nouka et Baby, et dansent au Crazy Horse. En fétichiste d'opérette, je les ai choisies pour leur grâce et leur beauté, mais aussi pour leur cambrure. Elles ont porté avec naturel ces souliers importables. Leurs peaux très blanches, leurs yeux très foncés et leurs bouches brillantes s'intégraient à l'esthétique de Lynch, qui, tous comptes faits, a parfois des accents fétichistes: le corps lacéré d'Isabella Rosselini dans Blue Velvet, ou cette atmosphère d'angoisse où le sang n'est jamais versé. Ou encore ces rideaux à plis droits qui semblent au garde-à-vous, et que j'ai retrouvés pour la prise de vues. Le sofa s'est changé en chaise de bordel viennois, signée Adolf Loos, écrasant un tapis aux couleurs de plante carnivore. David Lynch en a fait, comme à son habitude, un décor peuplé d'ombres ».


Sauf les images elle même peut-être : petit aperçu de ce que vous pouvez y voir :









C'est où ?
Galerie du Passage
20-26 Galerie Vero-Dodat
75001 Paris
C'est quand ?
jusqu'au 3 novembre 2007
du mardi au samedi
11h00-19h00
Plus d'informations sur le site de l'exposition : ici
et sur le site de la galerie : .